J'ai dû le réveiller à 6h45 aujourd'hui. Rien que ça, ça m'a vrillé dès le matin.
Je prône depuis plusieurs années maintenant la nécessité de se reconnecter à son rythme physiologique. Et c'est ce que j'ai toujours offert à mes enfants ! Pas de crèche, pas de nounous, pas de périscolaire... Pouvoir se lever à son rythme, respecter son corps et son sommeil.
Alors, une fois n'est pas coutume, je me suis dit que c'était pour son bien.
Les deux dernières visites chez l'ophtalmo se sont soldées par des échecs cuisants. Depuis le diagnostic d'autisme, Marcel supporte de moins en moins les intrusions et tout ce qui touche à son corps (coiffeur, médecin... idem). Aussi, nous avons été convoqués au CHU de Nantes afin de réaliser un fond de l'œil sous anesthésiant dans le but de réajuster ses lunettes. L'ophtalmo a prévenu que Marcel est autiste, impossible à ausculter et qu'il faut prévoir de le mettre sous gaz anesthésiant pour l'examen.
J'ai commencé à douter lorsque sur l'ordonnance, on nous demandait de mettre des gouttes dans ses yeux, vous savez, celles qui servent à dilater la pupille pour l'examen et qui donnent l'impression de se faire cracher du venin en plein dans la rétine...
Donc des gouttes à mettre 2 fois par jour pendant les 5 jours qui précèdent l'examen !
J'ai préféré en rire, parce que mettre des gouttes à un enfant de 3 ans c'est parfois sport, mais à un autiste... ça relève du combat !
On a appelé pour dealer... Mais non, il parait que c'est plus simple comme ça ! Cela évite de patienter trop longtemps en salle d'attente le jour de l'examen. OK alors allons-y !
On a RDV à 8h45 en plein centre-ville de Nantes, ça veut dire partir à 7h15 si on compte le trajet, les éternels bouchons près du pont de Cheviré, la difficulté pour trouver à se garer et la rapidité des admissions...
On roule dans le noir, sous une pluie battante. Tout ce que je redoute.
Marcel est calme. Il a juste quelques crises de fous rires, l'effet secondaire le moins déplaisant de l'atropine ! (Son grand frère faisait les mêmes ! Hallucinations à priori...)
Je trouve à me garer plutôt facilement, mais suffisamment loin de l'entrée de l'hôpital pour qu'on arrive trempés dans le hall. Eh oui, la pluie tombe toujours et Marcel ne supporte pas les capuches et je n'ai pas pensé à prendre de parapluie.
Je crois qu'il est comme moi. J'adore sentir la pluie sur mon visage, comme une caresse fraîche qui vient dissoudre les mauvaises énergies. Il ne se plains pas malgré la vue brouillée par ses lunettes mouillées... Petit cœur.
On monte au 6ème étage, on passe les admissions et nous voilà dirigés vers une grande salle d'attente. Au fond, j'aperçois des orthoptistes sur plusieurs ilots avec leurs machines de mesure. Je ne comprends pas ce que je fais là. Ce n'est pas du tout ce qui était prévu pour Marcel.
Rapidement on nous appelle. J'explique que Marcel est autiste et que nous avons été envoyés ici afin de réaliser l'examen sous sédation. La femme qui me reçoit comprend et me dirige directement vers la prochaine salle d'attente pour voir le médecin.
Nous nous installons dans la salle d'attente réservée aux enfants. Elle dispose d'une cabane en plastique et de quelques livres. Je ne croise personne à part une soignante derrière son comptoir. Je suppose que nous sommes parmi les premiers patients de la journée, ce qui parait logique vu les circonstances.
Une jeune femme vient avec une machine pour prendre des mesures. Je lui explique à nouveau que nous sommes là parce que ce genre d'examen n'a pas été possible. Elle essaye quand même, encore et encore, faisant hurler Marcel dans ce service si calme... Evidemment, elle n'arrive à rien et repart sans rien dire.
Une autre Maman arrive dans la salle d'attente et nous entamons la discussion. Elle me dit avoir amené sa fille de 6 mois car elle lui trouve un strabisme "vous comprenez les enfants sont cruels je veux qu'elle soit soignée avant l'école". Cette phrase fait écho avec un passage de mon livre... Pas de hasard.
Le temps file et Marcel s'impatiente. Nous avons lu tous les livres à disposition et il ne sait plus quoi faire. Je vois les parents défiler les uns après les autres, je les vois repartir, et nous, nous sommes toujours là. Même ceux qui reçoivent leurs gouttes le matin même repartent avant nous ! Je ne comprends pas. Cela valait bien le coup de passer 5 jours à lutter pour mettre des gouttes...
Déjà une heure que nous sommes là. Une maman en salle d'attente est outrée de nous voir patienter si longtemps. Garder un enfant de 3 ans en salle d'attente pendant une heure c'est très long ! Un enfant autiste... en tout cas le mien, ça relève du sport de compétition !
Je finis par aller m'expliquer avec la soignante derrière son comptoir. Je lui dis bien qu'il n'y a rien de personnel mais que je déplore l'organisation de la prise en charge de Marcel. Je pensais qu'un RDV si tôt servait justement à éviter une longue attente qui va le mettre dans de mauvaises conditions pour l'examen (et moi aussi par la même occasion). Elle s'excuse. J'insiste bien sur le fait que ce n'est pas contre elle, elle n'y est pour rien. Je lui suggère quand même de remonter l'information lors de réunions de concertation, ou de tenter un "vit ma vie" et de laisser les médecins 1h30 en salle d'attente avec de jeunes enfants atypiques ! Juste pour voir...
L'autre maman est scandalisée. Je relativise et lui dis en rigolant qu'ils m'apportent de la matière pour mon prochain livre... Elle en profite pour acheter le premier sur internet... Merci pour votre soutien Madame.
Une autre maman est arrivée entre temps. Scandalisée aussi, elle me dit être une ancienne soignante auprès d'enfants autistes et qu'elle comprend mon discours. Elle déplore le manque de moyen, de structure et d'organisation adaptés. Au moins, je me sens soutenue.
Une 3ème orthoptiste vient nous chercher pour une autre tentative avec la machine. Encore une fois sans succès. On me renvoie en salle d'attente, ça n'en finira donc jamais...
L'heure tourne. Marcel trépigne, remet son manteau et se jette par terre en pleurant pour exprimer son mécontentement. Moi, je pense à mes deux autres enfants à récupérer à l'école et au repas du midi à préparer... Galère en vue !
Enfin, la médecin nous reçoit. Elle retente aussi l'examen en m'expliquant qu'ils aimeraient éviter la sédation. D'un côté je comprends que si on arrive à faire sans, c'est mieux pour l'enfant. D'un autre côté, ça fait beaucoup de tentatives (sans parler des 2 RDV précédents chez notre ophtalmo).
Les soignantes sont assises par terre. Elles proposent des gommettes, des petites voitures. Elles chantent des comptines, tentent des prises de contact par le toucher. Je comprends ce qu'elles essayent de faire mais on n'apprivoise pas un enfant autiste en 15 minutes.
Après plusieurs échecs, la médecin finit par proposer l'examen sous gaz anesthésiant. Cela tombe bien, on était venu pour cela...
3 soignantes plus Maman pour contenir Marcel, le masque à oxygène, la machine... Dans une pièce de 4m² tout au plus...
La médecin a chanté des comptines pour Marcel. Elle l'a félicité à la fin de l'examen. Il a applaudi. Petit cœur.
Je ne remets pas en cause la qualité de la prise en charge, du moins je ne remets pas en cause le professionnalisme et l'approche utilisée avec Marcel. Mais pour ce qui est de l'organisation...
Bref, le temps de récupérer l'ordonnance de lunettes et de faire la route dans l'autre sens, nous sommes rentrés à la maison à midi.
7h15 - 12h00
pour un fond de l'œil.
Et cette petite voix qui me dit "ce n'est que le début des soins d'un enfant autiste dans un monde qui refuse de s'adapter à lui..."
Courage Maman.
Elodie K
Mère d'une famille complètement atypique, défenseuse du "slow" et amoureuse de la vie. Ici pour vous partager mes réflexions, mes prises de conscience et mes moments suspendus.
Elodie K
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